Alice Mignot est psychologue clinicienne. Spécialisée en addictologie, médiation animale et dans le bien-être canin, elle interviendra au colloque « l’Animal en marche » pour présenter la zoothérapie ou médiation animale, et ses effets tant sur les humains que sur nos compagnons à 4 pattes.
1/ Pouvez-vous rappeler pour ceux qui l’ignorent, ce qu’est la zoothérapie ? Son développement est relativement récent en France, se généralise-t-il de plus en plus ?
Alice Mignot : La zoothérapie ou thérapie assistée par l’animal est un ensemble d’interventions sur des difficultés psychologiques et/ou physiques par un thérapeute humain formé, assisté par un animal afin de favoriser l’atteinte d’objectifs définis. L’animal est alors une médiation, un tiers, ajouté dans la relation thérapeutique.
Aujourd’hui ce terme est un mot fourre-tout. En France, il semble désigner davantage ce qu’on appelle les activités assistées par l’animal, qui sont toutes les activités mettant en contact l’humain et l’animal pour apporter des bénéfices à ce dernier. Elles n’ont pas d’objectif thérapeutique et peuvent être exercées par n’importe qui.
Ce qu’on appelle donc plus globalement la médiation animale a connu un réel essor ces dernières années en France. Les bénéfices sont reconnus autant dans les recherches que par les équipes soignantes, il y a donc de plus en plus de demandes des différentes institutions. Elle constitue une très bonne alternative, ou un complément, au soin médicalisé. Aussi, le nombre de populations pour lesquelles elle est indiquée est de plus en plus important. En France, elle se pratique principalement avec des enfants présentant un trouble du syndrome autistique, les personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer ainsi que les polyhandicapés enfants ou adultes. Elle commence également à se développer dans les hôpitaux psychiatriques et les prisons, suivant en cela l’exemple de l’Amérique du Nord.
2/ Suivant l’intitulé de votre intervention, « bien-être et zoothérapie », peut-on penser que parfois, la zoothérapie est à manier avec précaution si l’on veut préserver le bien-être de l’animal ? N’est-il pas facilement une « éponge affective » qui peut, en absorbant les sentiments ou sensations négatives de l’humain qu’il soigne, développer lui-même un mal-être ?
A.M : En effet, elle doit être maniée avec précaution, d’autant plus que la médiation animale n’est pas une pratique protégée. Beaucoup de gens la pratiquent donc sans être diplômé, ni sur l’animal ni sur l’humain. Il y a alors des risques que les besoins de l’animal ne soient pas respectés. En outre, il faut rappeler que le praticien fait le choix de ce métier, contrairement à son animal. La plupart d’entre eux pense que son animal est très heureux de faire ce métier, cependant cela reste un avis très subjectif. Bien évidemment, il y a des bénéfices de la médiation animale sur le chien, comme la socialisation et une baisse des hormones de stress. De plus, beaucoup de chiens semblent prendre plaisir à participer à ces activités. Cependant, la plupart des intervenants ne sont pas formés aux signes de stress et de mal-être de leur compagnon à quatre pattes, et donc au risque de les exposer à des situations déplaisantes.
Étant une discipline de soin, la zoothérapie expose à des personnes en difficulté physiquement et/ou mentalement. Les animaux sont des éponges émotionnelles qui, comme nous, doivent apprendre à gérer ces émotions extérieures. C’est pour cela que le praticien doit connaître le comportement animal, et surtout celui de son propre animal, pour veiller à respecter son bien-être en le protégeant des gestes brusques, des émotions trop violentes, mais également en respectant les besoins propres à son espèce. Il n’y a que très peu d’études sur ce sujet, c’est pour cela que j’ai décidé d’en faire le sujet de mon doctorat afin de savoir quelles sont les conséquences de ce travail pour le chien, mais également pour donner des outils aux praticiens leur permettant d’évaluer de façon objective le bien-être de leur chien en thérapie.
3/ Comment équilibrer bien-être animal et zoothérapie ? Est-ce possible ?
A.M : Là est la grande question et j’espère pouvoir y répondre à la fin de ma thèse ! En effet, les bénéfices sur l’humain sont évidents, mais qu’en est-il pour l’animal ? Lorsqu’il y a mal-être pour lui, cela est injuste pour l’animal en souffrance, mais cela représente également un réel risque pour le patient. Tout le principe du respect du bien-être de l’animal réside dans le fait que l’intervenant sache décrypter le comportement de son animal, mais il n’y est pas forcément formé.
Les grandes associations internationales telles que Pet Partners et l’IAHAIO, qui s’intéressent aux relations homme-animal, offrent des lignes directrices pour donner des bases aux praticiens. mais la plupart du temps elles n’ont pas d’assises scientifiques et ne sont pas traduites en français.
Pour finir, quelques exemples pour respecter au mieux le bien-être de son animal en médiation :
- ne pas commencer avant la maturité sociale et émotionnelle de l’animal (environ 3 ans chez le chien)
- respecter les besoins naturels propres à son espèce
- mettre en place des plans de session incluant des temps pour que l’animal se repose et puisse s’isoler
- limiter le nombre de clients présents
- ne pas utiliser d’outils coercitifs pour l’éducation et en séance
- faire une évaluation comportementale tous les 2 ans
- être alerté des signaux de stress et pouvoir interrompre la séance quand on en voit
- penser à la mise en retraite
Globalement, pour équilibrer bien-être et zoothérapie il faut donc connaître le comportement animal et se mettre à la place de l’animal. Aussi, il faut être à son écoute de son compagnon de travail et ne pas le pousser s’il ne veut pas faire quelque chose ou ne souhaite pas venir en séance.