Thierry Bedossa se confie à WanimoBuzz

 

Thierry Bedossa, éminent vétérinaire et comportementaliste, est le parrain de notre Semaine de l’Education qui se tient du 28 mars au 1er avril. Le Dr Bedossa s’est associé à Wanimo pour vous aider à renforcer la relation que vous partagez avec votre chien.

Dans l’interview qu’il a eu la gentillesse de nous accorder, Thierry Bedossa livre son point de vue sur la relation de l’Homme au chien, avec passion et professionnalisme.

 

Thierry Bedossa en 9 questions

 

Wanimo.com : Vous avez récemment publié un livre de conseils pratiques intitulé « Tout sur le toutou ». Comment vous est venue l’idée ?

Thierry Bedossa : C’est une amie écrivain, ancienne propriétaire et grande amoureuse de son toutou, qui m’a donné cette idée ! Elle m’a dit s’être retrouvée extrêmement inquiète et souvent désemparée par des comportements de son chien qui la dépassaient et qu’elle ne comprenait pas, ainsi que par ses deux dernières années de vie au cours desquelles il a été atteint par une maladie chronique et grave.

Elle avait alors ressenti qu’elle aurait bien eu besoin d’une sorte de guide exhaustif pour l’aider à prendre en charge le comportement et la santé de son chien…

 

W : L’éducation est une préoccupation de plus en plus importante des maîtres de chien. A quoi cela est-il dû à votre avis ?

T.B. : un chien « mal éduqué » se comporte bien souvent de manière non idéale, voire gênante. La relation qu’on développe alors avec lui devient moins agréable, parfois c’est même l’enfer !

La plupart de ceux qui possèdent un chien aujourd’hui ne sont ni des chasseurs ni des bergers qui travaillent naturellement avec leur bête, l’écrasante majorité de nos chiens sont des chiens « de compagnie » dont on attend non plus un travail mais simplement qu’ils soient nos amis et toujours contents en toutes circonstances…

C’est de là que vient cette préoccupation si importante au sujet de « l’éducation » de nos chiens de compagnie.

 

W : Certains maîtres ont une relation fusionnelle avec leur chien. Quels sont les avantages et inconvénients de cette relation, en matière d’éducation ?

T.B. : Aimer sa bête et vivre avec elle une relation de qualité comparable à celle qu’on entretient avec un être cher n’est jamais un handicap, bien au contraire !

La devise de l’association que j’ai créée il y a 13 ans (Aide aux Vieux Animaux, ndlr) pour administrer ma ferme refuge est « pour protéger, il faut comprendre« . C’est cela la réponse à votre question !

On peut aimer sa bête sans limites, ce n’est jamais ça qui pose problème ; il faut en revanche connaître les besoins de l’espèce dont elle fait partie, sa personnalité, savoir communiquer avec elle, comprendre ses émotions, etc. Ce n’est absolument pas le côté « fusionnel » qui pose souci, c’est tout ce qu’on ne comprend pas et qui fait qu’on ne se comporte pas de manière appropriée au moment opportun avec la bête.

Nos animaux de compagnie dépendent de nous pour tout, ils ne sont plus libres ! A nous de connaître leurs besoins, savoir convenablement communiquer avec eux et être capable d’apporter à notre animal-individu un environnement qui lui soit favorable et lui permette de se sentir bien donc de bien se comporter.

 

Le Dr Bedossa en consultation

 

W : Y a-t-il des erreurs à ne pas commettre dans l’éducation d’un chien ?

T.B. : On peut commettre énormément d’erreurs quand on accompagne le développement de son chien et/ou qu’on vit avec lui lorsqu’il est adulte. Dans les pays anglo-saxons et scandinaves, la plupart des propriétaires de chiots consultent un professionnel pour la santé de leur bête mais aussi pour les accompagner dans le cours de leur développement et de leur éducation.

J’évoque toutes ces problématiques de manière systématique avec les propriétaires lorsque je reçois un chiot en consultation et je ne cesse de l’observer et de le tester. Si j’identifie un comportement préoccupant, je le signale immédiatement aux propriétaires, je leur donne les recommandations nécessaires et, si je le juge utile, je les adresse avec insistance à un professionnel de l’éducation et du comportement.

 

W : En quelques mots, qu’est-ce qu’un bon maître selon vous ?

T.B. : Un « bon maître » est un individu bienveillant et bien traitant. il se sent responsable vis à vis de sa bête et ne la possède pas pour être violent ou excessivement contraignant avec elle.

Les anglo-saxons n’utilisent d’ailleurs pas cette terminologie, ils parlent de propriétaire de chien et non de « maître » ! Dans les campagnes, on dit qu’on est le « patron » de son chien, ce qui illustre à la fois la relation de travail qui lie le paysan à son chien et celle aussi d’autorité.

Mais l’essentiel de ce qui lie le « maître » à son chien, c’est l’affinité et la volonté du premier de veiller aux meilleures conditions de vie et de plaisir pour sa bête. Un bon maître s’informe auprès de tous les professionnels compétents s’il manque d’expérience et se fait entourer et accompagner si c’est nécessaire !

 

 

W : Certains chiens apprennent plus vite que d’autres. Comment cela peut-il s’expliquer ?

T.B. : L’égalité est une magnifique et généreuse valeur républicaine et de civilisation. Hélas, c’est un concept totalement étranger au vivant : les individus ne sont pas égaux, ils sont tous différents !

La sélection artificielle ou naturelle opérée sur les chiens depuis 10 000 ans a encore contribué à creuser le fossé entre les représentants de cette espèce. Le travail physique et intellectuel demandé à un chien de conduite de troupeau qui est sur le terrain du matin au soir (surveiller et rassembler plusieurs centaines de bêtes) n’a rien de comparable à celui du chien de canapé ou de manchon (ndlr. : Chien de très petite taille que les dames de l’aristocratie du XVIIIè s. portaient dans leur manchon).

En plus de l’aléa génétique, les cerveaux des 2 représentants de ces 2 races que tout oppose à part leur appartenance à l’espèce canine diffèrent donc de manière majeure. Par ailleurs, les chiens apprennent tout le temps et partout, le plus souvent sans avoir besoin de nous. Mais nous sommes tous aussi vis à vis des chiens à un moment dans le rôle d’un parent, d’un instituteur et d’un professeur de collège et de lycée et, là aussi, nos talents diffèrent !

 

: Vous avez des chiens et des chats, pouvez-vous nous les présenter ? Considérez-vous qu’ils sont bien éduqués ?

T.B. : Il y a d’abord tous les protégés du refuge AVA et ils sont près de 400 !

J’ai racheté ce refuge à ses fondateurs, Maxime et Jenny Légier, en leur promettant que tous ses occupants partiraient de leur belle mort. Grâce à tous ceux qui m’ont accompagné tout au long de ces années, et ce avec un dévouement et une générosité exceptionnelles, j’ai pu tenir parole…

J’ai eu mon premier chien le jour de mon intégration à l’école vétérinaire de Maison Alfort. Un véritable signe du Ciel : il divaguait devant chez moi. C’était un dalmatien et il s’appelait Vlady. Quelques semaines plus tard, ma compagne et moi, tous deux étudiants vétérinaires, sommes allés adopter notre 1er chaton, Bagheera, une européenne noire et blanche, qui est morte à ma clinique 20 ans plus tard…

Je dois avouer que j’ai passé plus de temps en compagnie de cette petite chatte très farouche qu’avec aucune de mes fiancées que j’ai pourtant toutes sincèrement beaucoup aimées !

Depuis Vlady et Bagheera, j’ai eu de très nombreux chiens et chats. Soit des chiots et chatons, bien souvent nés chez moi et que j’ai élevés, soit des adultes que j’ai rencontrés et avec lesquels je suis devenu ami.

Je vis entouré de plusieurs chiens et de plusieurs chats en permanence et depuis 20 ans en respectant leur autonomie et leur liberté. Je veille à ce qu’il soit les plus sociables et les plus familiers possibles, dénués de dangerosité dans l’environnement domestique. Mes chiens savent suivre sans laisse, venir au rappel, rester seuls sans détruire ou hurler, aller dans les restaurants sans gêner les voisins. Quant à mes chats, ils utilisent le plus souvent leurs litières lorsqu’ils éliminent à l’intérieur !

 

Thierry Bedossa vit entourés de chiens et de chats

 

W : Vos animaux sont-ils source d’inspiration dans votre vie personnelle et professionnelle ? Apprenez-vous d’eux comme ils apprennent de vous ?

T.B. : Après tant d’années passées en permanence au contact des bêtes, je suis devenu l’une d’entre elles ! J’adore ma vie de citadin et le brassage des rencontres humaines dans une capitale.

A part avec mes grands parents qui m’ont élevé dans ma petite enfance, je n’ai pas eu trop de chance avec ma famille mais mes amis humains m’ont permis de vivre heureux en tant qu’adulte et je leur dois tout…

Pourtant, je sens bien que je suis différent de la plupart des citadins qui m’entourent. Je suis direct et jamais dans la dissimulation, je dis les choses telles que je les pense et me comporte en cohérence et je suis indifférent au marketing et à la publicité.

Je peux donc dire que j’ai considérablement appris des bêtes !

 

Question 9 : Vous êtes engagé depuis longtemps en faveur de la cause animale. Pouvez-vous nous en parler et nous présenter l’AVA ?

T.B. : Je suis d’une nature optimiste : notre planète est terriblement altérée après deux siècles de révolution industrielle et techno-scientifique et de « prolifération humaine ». Notre population a été multipliée par 7 en 200 ans, celle des animaux d’élevages que nous mangeons dans des proportions tellement hallucinantes que je n’ose pas l’écrire…

Les défis à relever sont énormes ! Je considère que nous n’avons pourtant pas plus de droit sur le vivant que les autres espèces. Les outrages commis par le développement industriel et humain sur cette planète sont considérables mais nous commençons à bien les comprendre et à en être conscient.

C’est tout de même paradoxal qu’il ait fallu près de 5 siècles à la science pour en arriver à l’état de conscience du vivant et de l’univers qu’ont toujours eu bien des civilisations antiques ainsi que la plupart des peuples primitifs.

Ma petite contribution de vétérinaire pour animaux de compagnie à Neuilly sur Seine est de m’engager le plus totalement et le plus utilement possible pour la cause animale et pour le vivant.

Je possède le refuge AVA qui héberge près de 600 bêtes depuis maintenant 13 ans. Cette association accueille des chiens et des chats, mais aussi des vaches et des chevaux. Le bien être au quotidien de tous ces petits protégés est assuré par une formidable équipe de près de 20 personnes. Leur travail est exceptionnel, leur engagement et leur dévouement plus encore !

AVA a été pour moi la plus éprouvante des aventures humaines, j’y ai notamment perdu la personne avec laquelle je vivais et que j’aimais, mais elle a aussi été la plus gratifiante.

J’ai compris là bas en observant les bêtes que le bonheur et le plaisir sont possibles pour peu qu’on vive dans un environnement physique et social favorables, le reste n’est que foutaise…

Merci beaucoup Dr Bedossa pour le temps que vous nous avez accordé et pour la sincérité de vos réponses !

 

Le parcours du Dr Bedossa

Le Docteur Bedossa, ancien élève de l’école vétérinaire de Maison Alfort et ancien interne de l’hôpital vétérinaire de l’université de Montréal, est vétérinaire depuis 1989.

Passionné depuis toujours par les animaux, il a aussi généreusement apporté ses compétences aux services de pays moins développés où l’écrasante majorité des chiens et chats ne sont pas des animaux de compagnie mais simplement des animaux libres et commensaux de l’homme.

Ces chiens et chats se nourrissent de tous nos déchets organiques, ce sont nos éboueurs et une grande partie de l’humanité pauvre, c’est à dire la majorité des humains sur cette planète, ne survivrait pas sans les services que nous rendent les chiens et les chats libres !

 

Puis, Thierry Bedossa s’est installé à Neuilly sur Seine où il possède une clinique dans laquelle travaillent environ 20 personnes.

A côté de son activité de praticien, il s’est aussi consacré à l’enseignement dès l’âge de 30 ans. Formateur professionnel dans la filière canine pour l’enseignement général agricole (éleveurs, éducateurs canins pros, responsables de collectivités, auxiliaires spécialisées vétérinaires), il exerce depuis 20 ans mais aussi depuis une quinzaine d’années à l’école vétérinaire de Maison Alfort.

Je suis attaché de consultation en médecine vétérinaire du comportement depuis 4 ans au CHUVA (centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Alfort), j’y donne des consultations toutes les semaines devant les étudiants mais aussi des confrères en exercice désirant se spécialiser dans le comportement. Et depuis 6 ans, je collabore également à des activités de recherche en éthologie auprès d’équipes composées de chercheurs seniors et juniors.

 

Avec les années, Thierry Bedossa s’est engagé de plus en plus pour les animaux. Son activité associative est très importante, notamment à travers le refuge AVA (Aide au Vieux Animaux), dont il est très fier.

Je suis entouré là bas par une équipe de 20 personnes environ qui s’occupe au quotidien et avec un dévouement exceptionnel d’environ 600 bêtes (chiens, chats, chevaux, vaches et daims)

 

Il collabore à des revues spécialisées telles « 30 Millions d’Amis Magazine » depuis 10 ans et participe à de nombreuses émissions sur les chaines de télévision généralistes, dont la série « Happy Dog » sur M6.

Enfin, Thierry Bedossa est l’auteur de plusieurs livres :

  • « Parichien/parichat » (1995),
  • « Vendre un chiot équilibré et favoriser la relation chien/maître » (2001),
  • « L’éducation du chien » (2005),
  • « Comportement et éducation du chien » (2010)
  • « Tout sur le toutou » (2015)

 

 

 

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