Valérie Dramard : L’adoption en refuge, un acte plus que nécessaire

Valérie Dramard est consultante en médecine comportementale et marraine de l’édition 2017 de la Semaine de l’Éducation qui se tient du 13 mars au 17 mars. Dans l’interview qu’elle a eu la gentillesse de nous accorder, Valérie Dramard livre son approche particulière en séance d’éducation avec les chiens issus de refuge.

 
Interview de Valérie Dramard sur l’éducation du chien

Vous êtes consultante en médecine comportementale depuis plus de 20 ans. Quelles évolutions majeures sur le monde du comportement canin, avez-vous connu ?

Je dirais qu’il y a 4 évolutions majeures dans le monde du comportement du chien :
1 – L’avènement et le développement des méthodes dites positives concernant l’éducation du chien aux dépends des méthodes dites classiques plus coercitives qui conduisent dans certains cas à des gestes de maltraitance.

2 – La notion de hiérarchie associée au concept dominant/dominé ont parallèlement pris « du plomb dans l’aile » ces dernières années. À mon avis, cette notion de hiérarchie n’est pas complètement fausse. C’est juste que c’est une façon de voir les choses, une « lecture » possible de situations qui est parfois pertinente parfois pas du tout.

3 – Le développement de la médecine comportementale pour les chiens qui présentent des troubles du comportement. Plus de vétérinaires sont sensibilisés au fait qu’un trouble du comportement peut être soigné, plus de vétérinaires sont formés aussi à la pratique des consultations de comportement et des éducateurs canins plus sensibilisés aussi. C’est une bonne chose car cela offre plus de chance à l’animal et à ses maîtres pour vivre mieux. Cela évite aussi des abandons et des euthanasies.

4 – L’apparition de produits apaisants non médicamenteux qui aident les chiens stressés à se détendre. Phéromones et compléments alimentaires permettent dans un premier temps d’apaiser un chien qui montre des signes de stress et d’anxiété et l’aider à s’adapter à une nouvelle situation, comme lors d’adoption par exemple.

 

Parmi les chiens que vous suivez, il y en a-t-il beaucoup issus de refuges ? Quels sont les motifs les plus courants de consultation ?

Je n’ai pas fait de statistiques mais je dirais qu’environ 1 chien sur 4 que je vois en consultation a été adopté en refuge ou par le biais d’une association animale. Pour les chiens, le motif le plus fréquent est sans doute « l’anxiété de séparation » avec des destructions, des vocalises et de la malpropreté quand le chien reste seul. Puis viennent les problèmes de peur et d’anxiété : peur de la rue, peur des gens, chien inquiet en permanence…

 

Avez-vous une approche particulière avec les chiens issus de refuges pour résoudre les problèmes comportementaux ?

Mon approche tient compte de plusieurs éléments. Concernant les adoptants, leur courage, leur volonté de faire au mieux et aussi la patience qu’il leur faut pour réussir à tisser une relation sécure, harmonieuse et bienveillante. Concernant le chien, il a traversé des situations différentes et difficiles. Il est fatigué autant physiquement que psychiquement et il a besoin de trouver un « refuge » apaisant, accueillant où il pourra se ressourcer dans un premier temps et s’épanouir dans un second temps. Il est certain que plus on en sait sur le passé du chien, meilleure se passera l’adoption.
Parallèlement, je mets en garde les maîtres contre un sentiment fréquent et pas toujours favorable car générateur d’un comportement beaucoup trop protecteur, donc peu structurant. Le sentiment qu’un chien de refuge a forcément été maltraité. Certes, le chien a subi des épreuves mais il n’a pas forcément été maltraité et les troubles du comportement qu’il présente ne sont pas forcément la conséquence d’éventuelles maltraitances mais peut-être la cause de son abandon. En effet, certaines personnes sont démunies devant les troubles du comportement de leur animal et ne savent pas que cela se soigne, parce que personne ne leur a dit et qu’ils sont dépassés… Donc ils abandonnent leur chien, pour lui offrir une nouvelle chance en imaginant qu’il sera plus heureux dans une autre famille.

 

Parmi tous les cas que vous avez pu rencontrer, il y en a-t-il un qui vous a marqué tout particulièrement et que vous souhaitez évoquer ?

Beaucoup de cas m’ont marquée ! Parce que chaque cas est particulier et beaucoup de chiens que j’ai rencontrés en consultation trouvent le bonheur dans une famille accueillante !

 

Quel message souhaiteriez-vous adresser aux personnes qui hésitent à adopter un chien en refuge, par peur d’un mauvais comportement ?

Adopter un chien en refuge, c’est un acte plus que nécessaire : c’est offrir une nouvelle chance à un chien de vivre heureux. Ce qui est sans doute difficile dans cette mission, c’est d’accepter le fait qu’on ne connaîtra souvent pas grand chose de son passé.  Le chien a vécu de difficiles moments : avant l’abandon peut-être (condition de vie difficile ? maltraitance ?), l’abandon qui en tant que tel est évidemment source de stress, et la vie en refuge …. Enfin, souvent le chien est adulte, il faudra donc apprendre à connaître sa personnalité, ses ressources et des manques, en même temps qu’on lui apprendra les règles de vie de la maison.

Patience évidemment, capacités d’observation et empathie sont des qualités nécessaires. Les premières semaines constitueront une période incontournable d’observation, d’adaptation et d’ajustement. Les liens d’affection se nouent et les relations deviennent plus riches. Si le chien présente des troubles du comportement que vous n’arrivez pas à apaiser, des professionnels peuvent vous aider ! Éducateurs aux méthodes adaptées et vétérinaires comportementalistes sont là pour vous aider et vous accompagner.

 

En quelques mots, qu’est-ce qu’un bon maître selon vous ?

Tous les chiens, quelles que soient leur race et leur taille, sont des individus à part entière, avec un tempérament, un passé et des ressources propres. Et cela, on l’oublie souvent quand on achète un chiot de race. Et pourtant !
Concernant un chien adopté en refuge, c’est évident. Tout d’abord parce que le chien est souvent adulte et qu’il a un passé, un « passif ». Cela demande donc de la part des adoptants des capacités d’observation, d’empathie et de la patience, qualités qu’il faut avoir de toute façon quand on vit avec des animaux.

Un bon maître, c’est une personne qui accueille, cherche à comprendre et à s’adapter pour une relation la plus harmonieuse possible. Elle doit aussi proposer un cadre de vie structurant et des règles cohérentes, un peu comme un parent envers un enfant qui doit être là pour rassurer, accompagner, guider dans le respect et la bienveillance. Comme un coach, comme un tuteur.

 

Avez-vous des animaux ? Si oui, pouvez-vous nous les présenter ?

J’ai un chien et deux chats « et demi » !

Néno, le chien, est le dernier arrivé. C’est un croisé Husky de 2 ans que j’ai adopté il y a 6 mois dans un refuge SPA près de Lyon. C’est ma fille qui a craqué pour lui car elle rêvait d’avoir un husky depuis toujours et son regard doux l’a conquise. Je connais quelques bribes de son passé « compliqué ». J’ai appris à connaître ses atouts et ses limites. Il est très affectueux, doux et intelligent. La cohabitation avec les chats s’est faite très rapidement et les jeux entre eux sont fréquents. C’est son comportement dans la rue et ses relations avec ses congénères qui ont été d’emblée difficiles. Il a beaucoup progressé ces dernières semaines. Nous sommes ravies de l’avoir accueilli. Il est adorable !

Concernant les chats, il y a Ziggy, 6 ans. Il est né à la maison dans les pattes de mon chien précédent, Thallys, qui lui aussi avait été adopté en refuge. C’est la mascotte du quartier : avec son petit collier rouge et sa clochette, il adore s’asseoir sur le muret de la cour pour se faire caresser par les enfants qui sortent de l’école proche. Google, son demi-frère, est né aussi à la maison. Il a été adopté par les voisins mais il aime venir faire un tour à la maison bien souvent. Enfin, Shika est un gros rouquin rescapé des inondations par les pompiers  à Montpellier il y a 2 ans ½. Il était à adopter depuis 2 semaines dans la clinique vétérinaire Languedocia où je travaille régulièrement. J’ai craqué parce qu’il est craquant, très câlin, très présent. Un « chat-chien » comme on dit.

Les animaux de Valérie Dramard  🙂 

Vos animaux sont-ils une source d’inspiration dans votre vie personnelle et professionnelle ? Apprenez-vous d’eux comme ils apprennent de vous ? Ont-ils un comportement irréprochable ?

J’ai toujours eu des animaux. Depuis que je suis née, je vis avec des chiens et des chats. Mes parents, mes grands parents n’ont jamais acheté d’animal. Moi non plus. Tous les animaux qu’ils ont eu et que j’ai eu ont été adoptés en refuge le plus souvent. Casy, le chien qui a accompagné mon enfance jusqu’à mes 15 ans s’appelait Casy. Un croisé Labrador avec la queue coupée que mes parents avaient sauvé de conditions de vie dramatiques. Il était étonnant. Il est dans tous mes souvenirs d’enfance, tout comme ma petite chatte Minouchette et mon chat Fennec, tous deux récupérés, perdus, blessés et malades.

Néno, Ziggy, Shika et Google, mes amis-animaux d’aujourd’hui, font partie de la famille. Plus même. C’est une véritable petite troupe qui nous amuse beaucoup. Chacun des chats à sa propre personnalité, ce qui est très drôle. Le chien a des comportements différents avec chacun. Ils évoluent ensemble et leur inventivité nous étonne chaque jour.

 

Vous êtes l’auteur de nombreux livres sur le comportement du chien. Avez-vous de nouveaux projets à venir, à nous annoncer en exclusivité ?

Oui, deux nouveaux petits livres sortiront aux éditions Ulmer à la fin de l’année : « Bien vivre avec mon Chihuahua » et « Bien vivre avec mon Staffy ». Comme les deux premiers de cette collection qui étaient consacrés au Jack Russel et au Berger Australien, ces petits livres présentent des conseils pratiques pour bien choisir son chiot, bien l’accueillir et bien l’éduquer. Leur originalité : des petites vidéos accessibles via un QRcode qui illustrent le texte.

 

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